Depuis les années 1960, les débats autour de la pluridisciplinarité foisonnent, que ce soit dans les sciences humaines et sociales dans l’enseignement et la recherche, ou dans le monde des professionnell·e·s de l’action. Sans chercher à construire un consensus ni à participer à la dispute terminologique qui occupe une part importante de la littérature sur la pluridisciplinarité, l’interdisciplinarité ou la transdisciplinarité, la revue s’intéresse à l’ensemble des démarches de recherche qui opèrent des transferts, qu’ils soient conceptuels, méthodologiques ou d’outillage. De l’emprunt ponctuel à une discipline voisine, à l’hybridation, en passant par le croisement disciplinaire ou même par l’émergence de nouvelles approches transdisciplinaires, à la manière des humanités numériques, ces pratiques questionnent et interpellent les sciences humaines et sociales et sont, à ce titre, placées au cœur de la revue.
Les démarches de recherche pluridisciplinaires sont en tension constante dans des contextes scientifique et académique paradoxaux. Du point de vue scientifique, le pluridisciplinarité est, par définition, uniquement conçue dans une dialectique dialogique avec les disciplines. En permettant la prise en compte de la relativité de chaque discipline, elle amène à réinterroger les concepts et représentations mobilisés en leur sein. Les démarches pluridisciplinaires favorisent aussi l’avènement de nouveaux objets d’étude et de nouvelles approches théoriques ou méthodologiques, face à des objets jusqu’alors peu envisagés dans une discipline. Loin d’opposer pratiques pluridisciplinaires et disciplines, la revue s’attache à témoigner de la capacité de ces démarches à enrichir et renouveler les disciplines. Le contexte académique paradoxal qui associe injonctions à la pluridisciplinarité et cloisonnement disciplinaire rigide, aussi bien du point de vue institutionnel que professionnel, induit une mise en tension supplémentaire des démarches pluridisciplinaires.
Ces contextes scientifique et académique font des pratiques pluridisciplinaires à la fois des sources de potentialités en termes d’innovations et de découvertes scientifiques mais ils comportent également un certain nombre de risques. Depuis les polémiques des années 1960-1970, les craintes d’une moindre scientificité des démarches pluridisciplinaires, ou de l’avènement d’un îlot de recherche pluridisciplinaire artificiel persistent. Au-delà de ces craintes désuètes, la prolifération de pratiques pluridisciplinaires dites « sauvages », c’est-à-dire peu distanciées, et rarement affichées et assumées comme telles, entraîne un risque de confusionnisme disciplinaire, voire de perte conceptuelle. D’un point de vue académique, ces pratiques complexifient les rapports entre disciplines et pratiques pluridisciplinaires en précarisant la spécificité du territoire conceptuel et des objets de recherche de disciplines, déjà eux-mêmes fragilisés par un contexte concurrentiel en sciences humaines et sociales.
Face à ces enjeux, la revue Passerelles SHS constitue un espace privilégié de réflexion collective autour des pratiques de la pluridisciplinarité en sciences humaines et sociales. Il s’agit de donner l’opportunité aux chercheur·e·s, dans une revue pluridisciplinaire, de questionner leurs démarches interdisciplinaires afin d’envisager une pluridisciplinarité consciente, construite, assumée et maîtrisée qui contribue à renouveler et enrichir les disciplines. La revue se donne également comme objectif de favoriser le déploiement d’une compétence ou d’une culture de la pluridisciplinarité, nécessaire à l’émergence de nouveaux échanges disciplinaires.
La revue porte une attention spécifique à la publication de pratiques et démarches pluridisciplinaires portées par de jeunes chercheur·e·s, considérant qu’ils sont plus particulièrement sujets à ces tensions paradoxales. Intégrée au projet de l’École Doctorale Sociétés, Temps, Territoires (STT), cette revue s’engage dans une démarche de formation par la recherche aux méthodes de la recherche interdisciplinaire, en sciences humaines et sociales.
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